Rubans contre l’oubli (Notre-Dame de Paris, 11 octobre 2025, Temps spirituel pour les victimes de violences sexuelles dans l’Église)
Hier, rien de bien transcendant durant ce Temps spirituel, si ce n’est pour moi la possibilité d’accrocher ce ruban contre l’oubli et de libérer la parole de Noël, une des 330 000 victimes du rapport Sauvé, décédé à l’âge de 20 ans, victime d’un prêtre et d’une institution complices qui au lieu de le protéger l’ont complètement détruit.
Il avait 13 ans (3 de plus que moi) quand je suis entré, en 1964, dans l’orphelinat des sœurs de Saint-Vincent de Paul, 10 rue de Lorraine à Saint-Germain-en-Laye. Rieur, espiègle, turbulent, intenable, déjà rebelle, vicieux, infréquentable, Noël recevait fréquemment l’amour du prochain lourdement dispensé par ces « bonnes sœurs » qui l’avaient charitablement pris en grippe et l’isolait pour nous préserver du mauvais exemple.
Nous confessions nos péchés à un prêtre qui officiait le dimanche dans la chapelle du pensionnat. Une fois, en guise de pénitence, il m’a proposé une fessée cul-nu… Plus tard, Noël m’a confié avoir été abusé par ce prêtre.
A 14 ans, les cornettes se sont débarrassés de lui. Placé en apprentissage, il a vite décroché, s’est retrouvé à la rue, a vite mal tourné. Quand nous nous sommes retrouvés dans les années 70-71, il dormait dans le Moulin Rouge même, à Pigalle. Un soir, il m’a amené voir un ancien camarade de l’orphelinat, travesti… Nos regards se sont croisés, la dernière fois, vers la fin 1971.
Cinquante ans après, décembre 2022, sur https://www.deces-en-france.fr, une seule occurrence « Aguerra Noël » né le 27/11/1951 à Saint-Germain-En-Laye, décédé le 23/03/1972 à Boulogne-Billancourt. Il avait 20 ans.
Sur cette photo de 1961 (École Saint-Augustin à Saint-Germain-en-Laye), mal fagoté, gilet et pantalon trop petits, chaussettes plissées, seul du premier rang, les bras décroisés, les mains ouvertes et la posture volontaire, son sourire de 10 ans…

